
Des indicateurs dramatiques en santé maternelle et infantile
La Mauritanie affiche l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde, estimé à 766 décès pour 100 000 naissances vivantes ([UNFPA, State of World Population 2023](https://www.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/SoWP2023-EN-final-web.pdf)).
À titre comparatif :
-Moyenne mondiale : 223 décès
- Moyenne africaine : 545 décès
- Afrique de l’Ouest : entre 500 et 800 décès
- Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie) : entre 70 et 110 décès ([OMS, 2024](https://www.who.int/publications/i/item/9789240076969))
Ce chiffre est d’autant plus accablant que 89% de ces décès sont considérés comme évitables par l’OMS
Quant à la mortalité néonatale, elle est de 39 pour 1 000 naissances vivantes ([UNICEF, The State of the World’s Children 2023](https://www.unicef.org/reports/state-of-worlds-children-2023)), soit presque le double de la moyenne mondiale (18 pour 1 000), supérieure à la moyenne régionale en Afrique subsaharienne (27 pour 1 000), et largement au-dessus des pays d’Afrique du Nord (entre 9 et 12 pour 1 000).
Suivi prénatal et postnatal défaillant
Seules 60% des femmes enceintes bénéficient des 4 consultations prénatales recommandées par l’OMS ([EDS Mauritanie 2019-2020](https://dhsprogram.com/pubs/pdf/FR370/FR370.pdf)).
Dans le Hodh Chargui, cette couverture tombe à 45%. Moins de 35% des femmes reçoivent une visite postnatale dans les 2 jours suivant l’accouchement.
Naissances assistées par un personnel qualifié :
- National : 67%
- Hodh Chargui : 53%
- Quartiers périphériques et zones rurales pauvres (particulièrement CDWD) : estimation autour de 40% ([SOS Esclaves et rapports de terrain 2024]
(https://ira-mauritanie.org/actualites/sante-et-injustices-sociales-en-mauritanie/))
Inégalités d’accès aux soins : une injustice géographique et sociale
1. Concentration des praticiens dans la capitale:
- Nouakchott regroupe 55% des médecins du pays ([Ministère de la Santé, Rapport annuel 2023](https://www.sante.gov.mr/?q=rapports)).
- Hodh Chargui, Guidimakha et Assaba réunis : moins de 10% des médecins** pour plus de 30% de la population rurale.
- Ratio médecin/habitants : 1 pour 20 000 habitants dans le Hodh Chargui contre 1 pour 2 500 à Nouakchott.
2. Accès aux médicaments essentiels** :
- 48% des établissements publics disposent des médicaments essentiels ([OMS Mauritanie, 2022](https://www.who.int/publications/m/item/mauritania-health-profile-2022)).
3.Absence d’ambulances** :
-70% des structures de santé périphériques sans moyens de transport d’urgence) [OMS,2022](https://www.who.int/publications/m/item/mauritania-health-profile-2022
4.Coût des soins prohibitifs et faible protection sociale :
43% des dépenses de santé sont payées directement par les familles ([Banque mondiale, Mauritania Health Data 2024](https://data.worldbank.org/indicator/SH.XPD.OOPC.CH.ZS?locations=MR)).
Couverture maladie universelle (effectivité réelle) : moins de 22% de la population bénéficie effectivement d’une couverture médicale ([Banque mondiale, World Development Indicators 2024](https://data.worldbank.org/indicator/SH.XPD.CHEX.PC.CD?locations=MR)).
À titre comparatif :
- Sénégal : 53%
- Maroc : 77%
- Tunisie : 84%
Sous-financement chronique comparé aux normes internationales, à l’Afrique de l’Ouest et à l’Afrique du Nord
-Part des dépenses publiques de santé dans le PIB (Mauritanie)** : 3,5% ([Banque mondiale, 2024](https://data.worldbank.org/indicator/SH.XPD.GHED.GD.ZS?locations=MR))
- Objectif recommandé par l’Union Africaine (Déclaration d’Abuja) : 15% ([Déclaration d’Abuja, 2001](https://au.int/en/decisions/health))
- Comparaisons régionales :
- Sénégal : 5,8%
- Maroc : 6,8%
- Tunisie : 7,5%
- Algérie : 8,9%
Une pauvreté multidimensionnelle accentuée
L’impact de la pauvreté est un facteur direct d’aggravation de ces défaillances sanitaires. Selon le Rapport 2023 du PNUD sur l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM), 36% des Mauritaniens vivent dans une situation de pauvreté multidimensionnelle ([PNUD IPM 2023](https://hdr.undp.org/data-center/thematic-composite-indices/multidimensional-poverty-index#/indicies/MPI)).
Principaux facteurs de cette pauvreté multidimensionnelle** :
- Accès insuffisant aux soins de santé**
- Faible niveau d’éducation**
- Conditions de vie précaires** (absence d’eau potable, assainissement, électricité)
Zones les plus touchées :
- Hodh Chargui
- Guidimakha
- Gorgol
- Quartiers périphériques de Nouakchott (surtout ceux habités par les CDWD)
Autonomisation économique et accès à la santé
Le lien entre l’autonomisation des femmes et l’accès à la santé est largement documenté. Selon ONU Femmes Mauritanie, chaque année de scolarisation supplémentaire pour les filles réduit de 7 à 9% le risque de mortalité maternelle [ (ONU Femmes Mauritanie, 2023](https://mauritania.unwomen.org/fr/actualites-et-evenements)).
- Participation des femmes à l’emploi rémunéré formel en Mauritanie : seulement 17% ([Banque mondiale, Gender Data Portal 2024](https://datatopics.worldbank.org/gender/country/mauritania)).
- Taux d’analphabétisme féminin : 53%
- Conséquence : Dépendance économique, inégal accès aux soins, difficultés pour financer les déplacements vers des structures médicales.
Un drame révélateur d’inégalités structurelles
Ces défaillances frappent avec une violence particulière les populations vulnerables, vivant principalement dans les zones rurales défavorisées et les quartiers périphériques. Discriminées historiquement, économiquement fragilisées, elles sont les premières victimes de cette injustice sanitaire.
La Mauritanie a pourtant ratifié des engagements internationaux fermes : ODD 3 (santé), ODD 5 (égalité femmes-hommes) , CEDAW, Déclaration d’Abuja, mais ces engagements restent lettres mortes tant que l’investissement réel ne suit pas.
Recommandations pour une rupture systémique
Pour que plus jamais une femme ne meure en plein air sous le regard impuissant de ses proches, des réformes structurelles et courageuses doivent être immédiatement engagées :
1.Augmenter de manière progressive et planifiée les dépenses publiques de santé pour atteindre au moins 10% du PIB à l’horizon 2030, en s’alignant sur l’engagement d’Abuja.
2.Mettre en œuvre un plan d’urgence pour le renforcement des infrastructures sanitaires dans les régions périphériques** (Hodh Chargui, Guidimakha, Gorgol), avec un accent spécifique sur :
- la formation et le déploiement d’un personnel médical qualifié,
- la dotation systématique en médicaments essentiels,
- l’équipement d’au moins *80% des structures de santé périphériques avec des ambulances d’ici 2028*.
3.Renforcer l’accès effectif à une couverture maladie universelle*, avec un objectif intermédiaire de **50% de couverture effective d’ici 2027*.
4.Mettre en place des unités mobiles de santé maternelle et infantile dans les zones les plus reculées**, en collaboration avec les ONG locales et internationales.
5. Adopter une politique d’incitation à l’installation des médecins et sages-femmes en zones rurales**, incluant primes spécifiques, logements fonctionnels et avantages professionnels.
6.Articuler la politique de santé à une stratégie globale d’autonomisation économique des femmes**, avec un double objectif :
- Scolarisation des filles,
- Accès des femmes aux ressources économiques et aux programmes de microfinancement.
7.Créer un fonds spécial pour la santé maternelle et néonatale, abondé par le budget national et les partenaires techniques et financiers**, exclusivement dédié à réduire la mortalité maternelle et néonatale.
Conclusion
Le drame de Néma est l’expression violente d’un scandale lent : celui d’un système de santé fragilisé, budgétairement marginalisé, alors même qu’il porte l’enjeu fondamental de la vie humaine. Il est indigne qu’un pays engagé dans des engagements internationaux aussi solennels puisse continuer à consacrer des parts aussi faibles de ses ressources à la santé de ses citoyens. La vie humaine, en particulier celle des mères et des nouveau-nés, n’est pas une dépense parmi d’autres. Elle est la condition même de toute société digne de ce nom.
Il est urgent que l’État change de paradigme : que la santé devienne enfin priorité réelle, traduite dans les faits par des moyens concrets, dans toutes les régions, pour toutes les populations. L’implication coordonnée des collectivités locales, des ONG et de l’ensemble des acteurs sociaux est un levier indispensable, mais seule une refonte profonde de la politique nationale de santé permettra d’éviter que d’autres drames ne viennent nous rappeler l’essentiel.
Garantir la vie, c’est garantir l’avenir. Refuser l’inacceptable, c’est refuser le renoncement à l’humanité.
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Video en annexe
La Mauritanie affiche l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde, estimé à 766 décès pour 100 000 naissances vivantes ([UNFPA, State of World Population 2023](https://www.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/SoWP2023-EN-final-web.pdf)).
À titre comparatif :
-Moyenne mondiale : 223 décès
- Moyenne africaine : 545 décès
- Afrique de l’Ouest : entre 500 et 800 décès
- Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie) : entre 70 et 110 décès ([OMS, 2024](https://www.who.int/publications/i/item/9789240076969))
Ce chiffre est d’autant plus accablant que 89% de ces décès sont considérés comme évitables par l’OMS
Quant à la mortalité néonatale, elle est de 39 pour 1 000 naissances vivantes ([UNICEF, The State of the World’s Children 2023](https://www.unicef.org/reports/state-of-worlds-children-2023)), soit presque le double de la moyenne mondiale (18 pour 1 000), supérieure à la moyenne régionale en Afrique subsaharienne (27 pour 1 000), et largement au-dessus des pays d’Afrique du Nord (entre 9 et 12 pour 1 000).
Suivi prénatal et postnatal défaillant
Seules 60% des femmes enceintes bénéficient des 4 consultations prénatales recommandées par l’OMS ([EDS Mauritanie 2019-2020](https://dhsprogram.com/pubs/pdf/FR370/FR370.pdf)).
Dans le Hodh Chargui, cette couverture tombe à 45%. Moins de 35% des femmes reçoivent une visite postnatale dans les 2 jours suivant l’accouchement.
Naissances assistées par un personnel qualifié :
- National : 67%
- Hodh Chargui : 53%
- Quartiers périphériques et zones rurales pauvres (particulièrement CDWD) : estimation autour de 40% ([SOS Esclaves et rapports de terrain 2024]
(https://ira-mauritanie.org/actualites/sante-et-injustices-sociales-en-mauritanie/))
Inégalités d’accès aux soins : une injustice géographique et sociale
1. Concentration des praticiens dans la capitale:
- Nouakchott regroupe 55% des médecins du pays ([Ministère de la Santé, Rapport annuel 2023](https://www.sante.gov.mr/?q=rapports)).
- Hodh Chargui, Guidimakha et Assaba réunis : moins de 10% des médecins** pour plus de 30% de la population rurale.
- Ratio médecin/habitants : 1 pour 20 000 habitants dans le Hodh Chargui contre 1 pour 2 500 à Nouakchott.
2. Accès aux médicaments essentiels** :
- 48% des établissements publics disposent des médicaments essentiels ([OMS Mauritanie, 2022](https://www.who.int/publications/m/item/mauritania-health-profile-2022)).
3.Absence d’ambulances** :
-70% des structures de santé périphériques sans moyens de transport d’urgence) [OMS,2022](https://www.who.int/publications/m/item/mauritania-health-profile-2022
4.Coût des soins prohibitifs et faible protection sociale :
43% des dépenses de santé sont payées directement par les familles ([Banque mondiale, Mauritania Health Data 2024](https://data.worldbank.org/indicator/SH.XPD.OOPC.CH.ZS?locations=MR)).
Couverture maladie universelle (effectivité réelle) : moins de 22% de la population bénéficie effectivement d’une couverture médicale ([Banque mondiale, World Development Indicators 2024](https://data.worldbank.org/indicator/SH.XPD.CHEX.PC.CD?locations=MR)).
À titre comparatif :
- Sénégal : 53%
- Maroc : 77%
- Tunisie : 84%
Sous-financement chronique comparé aux normes internationales, à l’Afrique de l’Ouest et à l’Afrique du Nord
-Part des dépenses publiques de santé dans le PIB (Mauritanie)** : 3,5% ([Banque mondiale, 2024](https://data.worldbank.org/indicator/SH.XPD.GHED.GD.ZS?locations=MR))
- Objectif recommandé par l’Union Africaine (Déclaration d’Abuja) : 15% ([Déclaration d’Abuja, 2001](https://au.int/en/decisions/health))
- Comparaisons régionales :
- Sénégal : 5,8%
- Maroc : 6,8%
- Tunisie : 7,5%
- Algérie : 8,9%
Une pauvreté multidimensionnelle accentuée
L’impact de la pauvreté est un facteur direct d’aggravation de ces défaillances sanitaires. Selon le Rapport 2023 du PNUD sur l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM), 36% des Mauritaniens vivent dans une situation de pauvreté multidimensionnelle ([PNUD IPM 2023](https://hdr.undp.org/data-center/thematic-composite-indices/multidimensional-poverty-index#/indicies/MPI)).
Principaux facteurs de cette pauvreté multidimensionnelle** :
- Accès insuffisant aux soins de santé**
- Faible niveau d’éducation**
- Conditions de vie précaires** (absence d’eau potable, assainissement, électricité)
Zones les plus touchées :
- Hodh Chargui
- Guidimakha
- Gorgol
- Quartiers périphériques de Nouakchott (surtout ceux habités par les CDWD)
Autonomisation économique et accès à la santé
Le lien entre l’autonomisation des femmes et l’accès à la santé est largement documenté. Selon ONU Femmes Mauritanie, chaque année de scolarisation supplémentaire pour les filles réduit de 7 à 9% le risque de mortalité maternelle [ (ONU Femmes Mauritanie, 2023](https://mauritania.unwomen.org/fr/actualites-et-evenements)).
- Participation des femmes à l’emploi rémunéré formel en Mauritanie : seulement 17% ([Banque mondiale, Gender Data Portal 2024](https://datatopics.worldbank.org/gender/country/mauritania)).
- Taux d’analphabétisme féminin : 53%
- Conséquence : Dépendance économique, inégal accès aux soins, difficultés pour financer les déplacements vers des structures médicales.
Un drame révélateur d’inégalités structurelles
Ces défaillances frappent avec une violence particulière les populations vulnerables, vivant principalement dans les zones rurales défavorisées et les quartiers périphériques. Discriminées historiquement, économiquement fragilisées, elles sont les premières victimes de cette injustice sanitaire.
La Mauritanie a pourtant ratifié des engagements internationaux fermes : ODD 3 (santé), ODD 5 (égalité femmes-hommes) , CEDAW, Déclaration d’Abuja, mais ces engagements restent lettres mortes tant que l’investissement réel ne suit pas.
Recommandations pour une rupture systémique
Pour que plus jamais une femme ne meure en plein air sous le regard impuissant de ses proches, des réformes structurelles et courageuses doivent être immédiatement engagées :
1.Augmenter de manière progressive et planifiée les dépenses publiques de santé pour atteindre au moins 10% du PIB à l’horizon 2030, en s’alignant sur l’engagement d’Abuja.
2.Mettre en œuvre un plan d’urgence pour le renforcement des infrastructures sanitaires dans les régions périphériques** (Hodh Chargui, Guidimakha, Gorgol), avec un accent spécifique sur :
- la formation et le déploiement d’un personnel médical qualifié,
- la dotation systématique en médicaments essentiels,
- l’équipement d’au moins *80% des structures de santé périphériques avec des ambulances d’ici 2028*.
3.Renforcer l’accès effectif à une couverture maladie universelle*, avec un objectif intermédiaire de **50% de couverture effective d’ici 2027*.
4.Mettre en place des unités mobiles de santé maternelle et infantile dans les zones les plus reculées**, en collaboration avec les ONG locales et internationales.
5. Adopter une politique d’incitation à l’installation des médecins et sages-femmes en zones rurales**, incluant primes spécifiques, logements fonctionnels et avantages professionnels.
6.Articuler la politique de santé à une stratégie globale d’autonomisation économique des femmes**, avec un double objectif :
- Scolarisation des filles,
- Accès des femmes aux ressources économiques et aux programmes de microfinancement.
7.Créer un fonds spécial pour la santé maternelle et néonatale, abondé par le budget national et les partenaires techniques et financiers**, exclusivement dédié à réduire la mortalité maternelle et néonatale.
Conclusion
Le drame de Néma est l’expression violente d’un scandale lent : celui d’un système de santé fragilisé, budgétairement marginalisé, alors même qu’il porte l’enjeu fondamental de la vie humaine. Il est indigne qu’un pays engagé dans des engagements internationaux aussi solennels puisse continuer à consacrer des parts aussi faibles de ses ressources à la santé de ses citoyens. La vie humaine, en particulier celle des mères et des nouveau-nés, n’est pas une dépense parmi d’autres. Elle est la condition même de toute société digne de ce nom.
Il est urgent que l’État change de paradigme : que la santé devienne enfin priorité réelle, traduite dans les faits par des moyens concrets, dans toutes les régions, pour toutes les populations. L’implication coordonnée des collectivités locales, des ONG et de l’ensemble des acteurs sociaux est un levier indispensable, mais seule une refonte profonde de la politique nationale de santé permettra d’éviter que d’autres drames ne viennent nous rappeler l’essentiel.
Garantir la vie, c’est garantir l’avenir. Refuser l’inacceptable, c’est refuser le renoncement à l’humanité.
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Video en annexe